Interviews

Ralph Fiennes chez Ibsen

Article écrit par Agnès-Catherine Poirier et datant du 5 mai 2003
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Grand retour du comédien sur les planches anglaises.

Après avoir enchaîné coup sur coup les tournages de Spider de David Cronenberg, Maid in Manhattan, comédie romantique avec Jennifer Lopez et Dragon rouge au côté d'Anthony Hopkins, Ralph Fiennes commençait à trouver le temps long. Quand allait-il remonter sur les planches du théâtre anglais? En septembre dernier, lors des figures imposées de promotion, il balaie la fatigue en pensant à ce qui l'attend : un an de théâtre, sans interruption. Le rôle de Carl Jung dans une nouvelle pièce de Christopher Hampton au National Theatre, suivi par celui de Brand dans l'oeuvre éponyme d'Ibsen à la Royal Shakespeare Company.

A leur évocation, le comédien explique qu'«au théâtre, l'acteur est honoré, respecté. Il ne gagne pas bien sa vie mais on lui donne l'impression qu'il fait le plus beau métier du monde». Et achève la conversation en parlant de Brand, ce prêtre missionnaire perdu dans un petit village de pêcheurs, entre fjords et montagnes norvégiennes, vers les années 1870: «Il faut voir Brand, absolument. Cette pièce d'Ibsen est tellement moderne.»

Voici donc Ralph Fiennes sur les planches du Swan Theatre de Stratford-Upon-Avon, haut lieu shakespearien, dans le costume élimé du farouche prêcheur d'Ibsen. La petite scène nue délimite un immense espace imaginaire : fjords tumultueux, montagnes hostiles, le tout baignant dans un froid sibérien. L'acteur, tout juste quarante ans, svelte, les cheveux coupés ras et ce regard pénétrant si particulier, se fraye un chemin dans les travées, comme s'il s'agissait de sentiers taillés dans la glace.

Missionnaire jusqu'au-boutiste, Brand ne croit qu'au tout ou rien. Agnès, une jeune femme d'un petit village, tombe amoureuse: ils se marient, un enfant naît. La rigueur de Brand conduira cependant à la perte de tous ceux qu'il aime. Et la petite communauté de pêcheurs, au début impressionnée par tant de volonté, finira par détruire son idole.

Difficile d'observer la carrière de Ralph Fiennes au théâtre et au grand écran sans y trouver la quête perpétuelle des rôles les plus noirs et complexes du répertoire. Hamlet, pour commencer, qui a révélé le comédien au public britannique en 1991. Les personnages qu'il tient par la suite, notamment dans la Liste de Schindler de Steven Spielberg (1993), le Patient anglais d'Anthony Minghella (1996) et Spider de Cronenberg, présentent tous ce côté hanté qui semble tant l'attirer. Brand ressemble d'ailleurs en bien des points à Coriolan, autre rôle interprété avec panache par Fiennes, dans une mise en scène de Jonathan Kent voici trois ans. Comme Laurence Olivier avant lui, et depuis peu Chiwetel Ejiofor, nouvelle étoile du théâtre anglais, l'acteur Fiennes doit son existence au comédien Fiennes.

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