Interviews

Nécrologies 2009 : Natasha Richardson

Article écrit par Ralph Fiennes et datant du 13 décembre 2009
Traduit de l'anglais par Eily
Lire l'article en anglais sur le site de The Observer

Une actrice pétillante, qui décédait le 18 mars d'une blessure à la tête à l'âge de 45 ans, est remémorée par l'acteur qui fut son ami de longue date...

Natasha Richardson était sa propre et unique force vitale. Elle possédait un dynamisme sur la corde raide qui vous prenait dans ses bras, vous secouait, vous séduisait et vous cajolait tout en vivant une existence sans regrets. L'amitié était une ancre pour elle. Elle s'épanouissait en réunissant ses amis. Elle créait des occasions pleines d'affection et de joie, des moments de fête qui, parfois, ressemblait à une danse magique. Elle mixait des cocktails mortels (elle adorait le lychee-martini), cuisinait de la nourriture extraordinaire, était spontanément une bonne infirmière, riait et s'enchantait sur les histoires et anecdotes, et prêtait une oreille malicieuse à un bon scandale. Elle aimait jouer de la musique et aurait cherché impatiemment le bon morceau pour le bon moment sur son iPod. Et elle aimait danser. Et elle aimait regarder un film avec des amis. Et elle aimait le soleil. Et elle aimait sa famille.

Une sortie avec Tash était un test de résistance et son endurance laissait beaucoup de ses amis transis avant le dernier "Hourra". Si vous pensiez être le lève-tôt après une nuit d'excès, vous l'auriez trouvé déjà réveillée dans la cuisine lisant le New York Post, préparant une tasse de thé pour Liam (Neeson) et réfléchissant longuement à une recette, ou panifiant la journée à venir.

Natasha était une "planificatrice" inspirée. Elle planifiait les évènements, les anniversaires, les vacances, les réunions d'amis, les virées au cinéma. C'était comme s'il y avait quelque manière idéale pour organiser le temps. Elle attendait avec enthousiasme de voir ses plans se mettre en place et si le sort ou les circonstances changeaient l'ordre des choses, elle endurait parfois cela avec un profond désappointement. Mais elle était passionnément persistante, surpassant de persistance les personnes les plus déterminées et vous l'aimiez pour cela, alors même que vous vous sentiez abasourdi par le détail du planning.

J'ai vu Natasha pour la première fois au bar de la Rada (Royal Accademy of Dramatic Art). Bien qu'étudiante en art dramatique à la Central School of Speech and Drama, elle était venue soutenir sa sœur Joely dans les productions étudiantes au Theatre Vanbrugh de la Rada. Je ne lui avais jamais parlé, mais je me souviens de ce mélange de beauté, de charisme et de quelque chose de fébrile, d'un peu anxieux.

Je n'avais pas réellement appris à la connaître jusqu'à ce qu'elle apparaisse aux côtés de Liam Neeson sur le tournage de "La liste de Schindler" à Cracovie, en mars 1993. L'attraction intense entre Liam et Natasha brillait, et je me souviens d'une nuit dans un bar étudiant où Tash, l'air radieuse, avait chanté "Maybe this Time", de la comédie musicale "Cabaret", avec une exaltation sensuelle qui avait transporté tout le monde.Elle savait que Sally Bowles était son rôle avant même qu'elle la joue.

Natasha était une actrice superbe qui se serait risquée à exposer sa profonde vulnérabilité dans un rôle. Cela pouvait avoir un prix, comme si en ôtant toute enveloppe défensive au service d'un rôle, elle devenait sans défense dans la vie de tous les jours. Parfois, involontairement, on trébuchait sur une faille dans sa confiance en elle, causant une ecchymose émotionnelle, ou quelques bouleversements qui semblaient hors de proportion. J'ai appris, je crois, que c'était cette grande crudité qui la rendait si extraordinaire dans des pièces telles que "The Seagull", "The Lady from de Sea" et "A Streetcar Named Desire", et si émouvante dans "Cabaret". Au cours de la pièce d'Isben ("The Lady from the Sea"), dans le rôle d'Ellida, elle trouvait une simplicité émotionnelle lucide et étonnante. Cela semblait facile (pour elle), mais je pense que ça venait d'une profonde fragilité au cœur d'elle-même. Mais elle avait aussi de l'esprit et de la joie, et du style, et toutes ces qualités affluaient ensemble.

Elle était particulièrement heureuse à "Le Nid du Duc", une maison dans le Sud de la France où elle avait passé une grande partie de son enfance et de sa jeunesse. Chaque été, elle et Liam invitaient des amis et de la famille à séjourner là-bas. Un petit ensemble de cottages fermiers sur un flanc de coteau escarpé, entouré d'arbres et surveillé par les paons, devenait un refuge. Cela apportait à Tash le plaisir de voir ses amis se relaxer, se détendre, être ridicules et apprécier les jours paresseux qui se déroulaient lentement et souvent de façon hilarante dans la chaleur de la Méditerranée.

S'il y a une image ou un souvenir que beaucoup de ses amis garderont et regretteront tellement - ce serait d'arriver à "Le Nid du Duc" après un voyage agité et des vols retardés, de conduire jusqu'à la fin d'une piste poussiéreuse pour être accueilli par la vision d'une pelouse bien verte, d'un petit bâtiment aux fenêtres peintes en bleu provençal, et de Natasha arrivant à grandes enjambées vers vous, les bras tendus, la joie dans les yeux comme si elle savait depuis plusieurs jours qu'elle prendrait votre cœur et y verserait sa propre et profonde lumière solaire.

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