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Twitter est-il l'ennemi de l'anglais ?

Article datant du 02 novembre 2011
Lire l'article sur le site de Slate.fr

«Nous vivons dans un monde de phrases tronquées, de petites phrases et avec Twitter», a estimé l'acteur et réalisateur britannique Ralph Fiennes au festival du film à Londres qui avait lieu du 12 au 27 octobre, faisant référence aux tweets qui ne peuvent comprendre que 140 signes et augmentant ainsi le recours aux abréviations. «Le langage est en train de s'éroder –il change. Notre expressivité et notre faculté d'employer certains mots s'estompent de telle manière que la phrase avec plus d'une proposition et le mot avec plus de deux syllabes sont un problème pour nous», a-t-il ajouté.

Une position critique, similaire à celle que d'autres pouvaient avoir sur les textos, qui n'est pas partagée par le linguiste de l'université de Pennsylvanie, Mark Liberman, qui pense, au contraire, que la langue anglaise s'en est trouvée améliorée, écrit-il sur son blog Language Log.

Dans une interview au magazine BrightestYoungThings en mars 2011, le linguiste Noam Chomsky avait déjà souligné l'aspect superficiel de la communication sur Twitter dans la mesure où elle requiert «une manière de penser très brève et concise qui tend vers la superficialité et éloigne les utilisateurs d'une véritable communication».

En guise de contrepied à ces affirmations, Mark Liberman a comparé les tweets du journal étudiant local, The Daily Pennsylvanian, avec des extraits d'Hamlet du dramaturge William Shakespeare et des romans de l'écrivain P.G Wodehouse dans lesquels le valet de chambre Jeeves apparaît, en prenant soin d'ôter les précisions de mise en scène et de décor dans Hamlet et les hashtags et les adresses url pour les tweets. «En moyenne, les mots dans Hamlet étaient composés de 3,99 caractères; dans les romans de P.G Wodehouse, 4,05 et les tweets du Daily Pennsylvanian en comportaient 4,80».

Cette étude n'est qu'une des nombreuses études que le réseau social a favorisé. «Les sociologues peuvent simplement profiter du flot d'informations continu de Twitter et observer de façon indiscrète un déploiement de language virtuel en action», résume Ben Zimmer dans le New York Times. Pour autant, le chroniqueur high-tech de Slate.com, Farhad Manjoo, prie les dirigeants du site de micro-blogging de doubler le nombre de signes autorisés, pour qu'il ne soit plus frustré de trouver le mot le plus court dès qu'il s'apprête à tweeter.

C'est en poursuivant cette même logique d'exploration que Twitter est devenu un espace d'expérimentation littéraire: la twittérature. Ce nouvel espace littéraire a été rendu célèbre avec la parution d'un livre, La twittérature, les chefs-d'oeuvre de la littérature revus par la génération Twitter, qui résumait les oeuvres littéraires les plus connues par le biais de tweets de 140 signes. En juin, Ulysse de James Joyce avait été résumé en tweets pour célébrer le Bloomsday, qui est le jour au cours duquel se déroulent les événements fictifs du roman.

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